Matei Gheorghiu
Chargé d'études - Doctorant
Né à la fin des années 1970 en Roumanie, j’ai eu la chance d’incarner pendant 10 ans, grandissant en uniforme au rythme des chansons patriotiques, l’avenir du prolétariat. Une nuit de Noël 89, alors que je n’avais plus aucune raison de croire au père du même nom, l’avenir du prolétariat a subitement sombré dans le passé et quelques semaines plus tard, je devenais étranger, enfin, roumain, enfin, roumain en France, ce qui m’a donné l’occasion d’apprendre que nous étions collectivement doués pour crocheter les serrures, et que nous étions aux yeux de nos hôtes les mieux intentionnés, un petit peu orphelins. Quoi de mieux pour naviguer entre ces identités mortes, vivantes ou rêvées que d’étudier la sociologie ? Pendant quelques années heureuses, alors que la notion d’identité nationale n’avait pas encore été déterrée par un docteur Frankenstein en manque de charniers, j’ai participé à des actions collectives diverses, associant mobilisations publiques, activités artistiques, recherche et bricolage, visant généralement à rendre l’étranger moins étrange, à travailler ensemble à construire un nouveau monde et bien sûr, à prendre du bon temps. Ces mobilisations ont donné naissance à plusieurs entreprises qui ont aujourd’hui une dizaine d’années. L’une d’elles, dans laquelle je travaille aujourd’hui, s’est constituée par notre amitié autour d’une machine à commandes numériques trois axes (on l’appellerait aujourd’hui imprimante 3D), conçue de A à Z en interne, entre 1999 et 2001, dans un des espaces que nous occupions, et qui aurait pu s’appeler hackerspace. Dans le cadre de l’entreprise comme de l’université où j’enseigne et mène mes recherches, je m’intéresse au processus d’émergence de normes induit par le changement technologique.